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sept
09

« Tout va bien, tout est sous contrôle »

« ne vous inquiétez pas »

I Où en sommes nous actuellement ?
Il existe une grande différence entre les discours officiels de la direction du site de Toulouse et la situation vécue par les opérateurs, techniciens, cadres, ingénieurs, et managers.
Globalement (pour le site)
Le discours officiel peut se résumer ainsi : « tout va bien, tout est sous contrôle (de Freescale USA), ne vous inquiétez pas ».
De quel contrôle parle t’on ici ? Sûrement pas de la manière simpliste d’amortir les effets des cycles d’activité des semi-conducteurs par l’adaptation des effectifs et des coûts.
L’embellie à peine ressentie se termine déjà (Intel a annoncé une baisse de ses prévisions, ainsi que Freescale, à partir du dernier trimestre 2004) et revoici déjà les réductions de coûts.
Le « tout est sous contrôle » s’accompagne d’une opacité totale dans les orientations et les prises de décisions au niveau du site. Cette opacité maintient un avenir incertain alors qu’avec la fin de la période de silence et la publication du S1(1) l’ensemble des employés s’attendait à un peu plus de transparence. C’est d’ailleurs l’un des buts du S1 : La transparence vit à vis du marché boursier.

« Les flambeaux de la « transparence » et de l’ « éthique » ne sont jamais tant agités que par ceux qui ont pêché en eau trouble et qui n’ont toujours que la cupidité comme morale »
(Antimanuel d’économie de Bernard Maris).

Pour les responsables de division et leur staff, cette situation d’opacité est facile à gérer car elle permet :

  • De ne pas avoir à expliquer les raisons de certains choix ou de certaines décisions.
  • De ne pas avoir à essuyer d’éventuelles critiques venant de la base.

Ainsi, le contenu de chaque réunion de communication de division se limite à :

  • Des chiffres comptables passés et futurs (« forecast »),
  • La liste des clients et le chiffre d’affaire réalisé avec eux,
  • Les projets en cours,
  • Une liste de mots- clefs (sans plus de précisions) représentant des technologies et des marchés commerciaux intéressants pour l’avenir.

De plus, toutes ces données concernent la division (« group ») dans son ensemble, et non une situation plus locale, que ce soit à Toulouse, en France ou dans la région Europe/Moyen-Orient/Afrique (« EMEA : Europe, Middle East and Africa »).
Enfin, comme la majorité des élus du Comité d’Etablissement ne jouent pas leur rôle primordial, à savoir celui de surveillance et de contrôle des données économiques de Freescale Toulouse, il est impossible de demander pour le syndicat CGT dont la représentation est actuellement minoritaire, une expertise indépendante et réellement transparente de la situation économique du site.
Voici, ci dessous, quelques faits qui illustrent la réalité de situation actuelle de Freescale Toulouse, telle qu’elle est vécue par la « base » :
WMSG Toulouse

  • Fin effective de l’activité de conception de circuits et réaffectation de plusieurs ingénieurs expérimentés sur des activités logicielles. Ces derniers se sont vus affublés du qualificatif de débutant (« fresh out ») par l’ensemble de leur hiérarchie, y compris par le responsable de division. A travers cette critique transparaît une méconnaissance des nombreux points communs qu’il existe entre l’ingénierie logicielle et l’ingénierie matérielle mais aussi le déni d’une capacité rapide d’adaptation des ingénieurs à d’autres techniques. Cela reflète surtout l’estime que porte le haut management sur les métiers techniques. Ces ingénieurs craignent également un mauvais classement, simplement du fait de leur nouveau poste.
  • Absence de clients significatifs autre que Motorola PCS, malgré l’étendard marketing que brandit le responsable de division.
  • Manque d’organisation cohérente pour soutenir les nouvelles activités et responsabilités logicielles du groupe.
  • Vision très court terme de développements logiciels pour Motorola PCS : une « prestation de services » largement insuffisante pour assurer, à terme, l’autonomie de WMSG au niveau logiciel.
  • Perte de temps considérable (près d’un an) dans un partenariat avec Motorola PCS Toulouse. Cette coopération est toujours au point mort, malgré l’urgence d’acquérir des compétences logicielles des mobiles de deuxième et troisième générations. Une perte de temps à l’opposé du slogan de Freescale : « avec la rapidité d’une start up » !
  • Des équipes dissociées, ne communicant pas ou trop peu ensemble, et dupliquant parfois inutilement les études et/ou développements.
  • Des technologies clefs pour l’avenir qui ne sont confiées qu’aux Etats-Unis.
  • Des ingénieurs mal classés, par le classement forcé (« Forced Ranking »), non pas à cause de leurs objectifs ou comportements, mais simplement parce que ces ingénieurs sont les moins susceptibles de se plaindre d’un mauvais classement, voire même parfois parce qu’on ne leur a pas précisé clairement le contour de leur travail !

NCSG Toulouse

  • Des nouveaux projets prennent une partie des effectifs de projets en pleine charge, sans modifications de leurs objectifs et délais initiaux.
  • Des projets à valeur ajoutée affectés prioritairement aux Etats-Unis.

TSPG Toulouse (MOS 20)

  • Baisse du nombre de plaquettes lancées (« starts ») malgré la montée en charge progressive des commandes de ON Semiconductor.
  • Un client qui « soit disant » sauve la production de site de Toulouse alors que sa solidité économique n’est pas confirmée. Pourtant, avant de traiter avec un client pour des commandes « vitales » pour le site, l’une des règles de base n’est t’elle pas de vérifier sa solidité ?
  • Risque de sous charge du service « Probe » (test des puces par sondes) dû à ON Semiconductor qui refuserait de faire tester localement ses plaquettes produites sur le site de Toulouse pour des raisons de coût, malgré le contrat qui a été signé. Le « sauveur » du site de production serait-il revenu sur la signature de son contrat ?

Conclusion
Tout est « sous contrôle » : une organisation inefficace, des effectifs mal distribués, du personnel mal considéré, une rapidité de réaction digne d’un dinosaure rhumatisant, des responsables de division qui tiennent des discours marketing surréalistes et une direction qui cultive l’opacité. Quel contrôle !
II Où allons-nous ?
En laissant la situation actuelle se prolonger, il est clair que l’avenir de Freescale Toulouse risque fort de ressembler à celui de ON Semiconductor Toulouse. Pour mémoire, ON est une « spin-off » de Motorola SPS, et a été acquise par des financiers dont l’ultime but a été la rentabilité immédiate. Le résultat a été spectaculaire : les salariés de ON Semiconductor Toulouse ont du subir plusieurs plans sociaux successifs sous le regard bienfaiteur de leur syndicat « maison » … hérité de Motorola SPS.
Restauration de la confiance
La confiance est indispensable pour travailler correctement. Pour être efficace, les salariés ont besoin d’avoir confiance en leur direction et en leurs dirigeants. La performance tant recherchée ne peut s’obtenir que par la transparence de leurs décisions et de leurs choix stratégiques concernant le site de Toulouse. L’excellence doit avant tout provenir de la direction et des responsables de division pour qu’ils nous expliquent comment ils comptent assurer l’avenir du site. Quel est donc leur « plan de bataille » pour gagner cette « guerre économique » qu’ils prônent tant ? Car la confiance ne s’impose pas par des notations individuelles et encore moins par le classement forcé. Elle ne se déclare pas avec un nouveau nom et des slogans racoleurs. Elle ne se décrète ni à grands coups de présentations marketing, ni en discours surréalistes. La confiance est plutôt une denrée rare et insaisissable qui se cultive dans le temps et qui nécessite empathie, estime, respect, compréhension, persuasion, transparence et intelligence.
Stratégie d’innovation et organisation du travail
Selon un rapport du consortium européen « Work & Technology » basé sur l’étude de milliers d’entreprises européennes de toutes tailles, il existe deux stratégies d’innovation distinctes qui permettent d’améliorer l’efficience de l’entreprise :

  • Une stratégie d’innovation dite « low road » qui ne joue que sur une flexibilité numérique (réduction des coûts) et sur l’externalisation de fonctions secondaires.
  • Une stratégie d’innovation dite « high road » qui joue avant tout sur une flexibilité fonctionnelle (recherche de nouvelles manières de faire des affaires) basée sur des approches collaboratives (travail en groupes semi-autonomes) et sur un développement du niveau de qualifications.

Le rapport prouve, par l’analyse des résultats des diverses entreprises, que la stratégie « high road » est toujours gagnante, même si c’est la plus difficile à mettre en oeuvre.
C’est d’ailleurs la stratégie « low road » qui est la plus fréquente : « il est plus facile de réduire les coûts que d’augmenter les investissements ».
En accordant la priorité aux actionnaires (et leur demande de rentabilité à court terme), Freescale et Motorola se situent clairement dans la stratégie d’innovation « low road ».Non seulement cette stratégie est économiquement la plus mauvaise pour l’entreprise mais il existe des choix de développement permettant d’opter pour une stratégie « high road » (voir paragraphes suivants). Il faut également abandonner cette hiérarchie de management lourde et inefficace pour mettre en place une organisation du travail plus moderne : le travail en groupes semi-autonomes par projet.
Développement des technologies futures
Le site de Toulouse ne brille pas par les technologies futures qu’il maîtrise. Et ce n’est pas le titre pompeux de « Centre d’excellence 3G » qui change la réalité des faits : l’expertise des technologies clefs de cette 3G reste aux Etats-Unis.
Développement de partenariats locaux
Il existe pourtant d’autres manières de faire des affaires sur le site, principalement en développant des partenariats avec d’autres entreprises locales (Alcatel, Airbus, Thalès, …).
Cela peut être, par exemple, en fournissant des services d’expertise dans des domaines pointus (Temps réel, simulation …). Ou encore dans la production de puces en petite ou moyenne série à très haute valeur ajoutée.
Pour sa part, la CGT Freescale ne se contente pas d’observer sans ne rien faire. Après de multiples questions restées sans réponse de la part de la Direction de Freescale Toulouse, nous avons décidé d’interpeller Monsieur Michel Mayer, le nouveau PDG du groupe Freescale, afin qu’il reçoive les représentants du personnel du site de Toulouse et qu’il réponde aux interrogations des salariés. Nos questions, à l’inverse des managers qui doivent le rencontrer, ne sont pas politiquement correctes. Voici le courrier que nous avons remis à M. Blondeau afin qu’il le fasse suivre.

De : Syndicat CGT Freescale Toulouse
A : Monsieur Michel Mayer, PDG du Groupe Freescale.

Toulouse, le 08 Septembre 2004.

Monsieur le Directeur Général,
Nous avons appris que vous alliez effectuer une nouvelle visite sur le site de Toulouse. Depuis l’annonce du « spin off » l’ensemble des salariés de ce site se pose un certain nombre de questions concernant leur avenir, l’avenir du site, l’avenir du groupe et les stratégies que vous comptez mettre en place pour assurer la pérennité de notre site.
Notre organisation, dans le passé et à de multiples reprises, a interpellé en comité d’établissement la Direction Toulousaine sur ces questions. La seule réponse que nous avons obtenue se résume à : «Tout est sous contrôle».
Malgré tout, de nombreux faits viennent contredire cette affirmation :

  • Pour WMSG, une absence de clients significatifs autre que Motorola PCS.
  • Le manque d’organisation cohérente pour soutenir les activités et en particulier les nouvelles responsabilités logicielles de WMSG.
  • Des technologies clefs à fortes valeurs ajoutées pour l’avenir qui ne sont confiées qu’aux Etats-Unis.
  • Baisse du nombre de plaquettes lancées (« starts ») malgré la montée en charge progressive des commandes de ON Semiconductor.
  • Risque de sous-charge du service « Probe » (test des puces par sondes) dû à ON Semiconductor qui refuserait de faire tester localement ses plaquettes produites sur le site de Toulouse pour des raisons de coût, malgré le contrat qui a été signé. Le « sauveur » du site de production serait-il revenu sur la signature de son contrat ?

Ce ne sont là que quelques exemples ; c’est pourquoi nous profitons de votre prochaine visite à Toulouse pour vous demander de recevoir les représentants du personnel de notre site afin de répondre aux inquiétudes du personnel et dissiper les malentendus.
Recevez Monsieur, l’expression de nos salutations distinguées.
Le Secrétaire Général du Syndicat CGT Freescale
Pascal Canizarès

(1) S1 : Document destiné à la commission des affaires boursières américaine afin d’obtenir l’autorisation pour le « spin off ».

A propos de l'auteur

CGT FSL Toulouse

La lutte des classes n'est pas une invention idéologique. Au lendemain des grandes grèves de 1968, l'usine Motorola est implantée à Toulouse depuis peu, la CGT Motorola est créée. Fin 69 la chasse aux sorcières débute déjà et les militants fondateurs sont expulsés pour des motifs de licenciement alternant entre "inapte à l'esprit Motorola" jusqu'à "participation à une grève illégale " ou encore "action syndicale destructive "... La lutte continue.

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